Le Graffiti & l'art urbain

  • Le phènomène graffiti Le phénomène artistique planétaire que nous pouvons observer aujourd’hui et dans chaque recoin de nos rues s’appelle...
    © Jon Naar

    Le phènomène graffiti

    Le phénomène artistique planétaire que nous pouvons observer aujourd’hui et dans chaque recoin de nos rues s’appelle le graffiti. Tout a commencé à Philadelphie en Pennsylvanie à la fin des années 60 avec des graffeurs comme Cornbread et Cool Earl. Dès le milieu des années 70, le mouvement graffiti a rapidement pris de l’ampleur à New York. Des milliers de noms peints à la bombe firent leur apparition sur les bâtiments, boîtes aux lettres, cabines téléphoniques, tunnels, bus et finalement sur les rames du métro. Les tags de Taki 183, sans conteste le plus célèbre des précurseurs, étaient visibles dans tout New York. Demetrius, de son vrai nom, est d’origine grecque ; et 183 était le numéro de la rue où il vivait. Il travaillait comme coursier, c’est ce qui lui permit d’inscrire son nom partout pendant ses heures de travail. D'autres graffeurs connus de cette période étaient : Joe 136, Barbara and Eva 62, Eel 159, Yank 135, Julio 204, Frank 207, etc.

  • La culture hip-hop, des États-Unis à l’Europe La culture hip-hop vient de la population afro-américaine habitant le Bronx à New...
    © Henry Chalfant

    La culture hip-hop, des États-Unis à l’Europe

    La culture hip-hop vient de la population afro-américaine habitant le Bronx à New York. Éminemment pratiquée dans la rue, elle prône des valeurs positives, permettant à ses adeptes de ne pas se résigner à la morosité due à leur condition sociale modeste. La culture hip-hop étant devenue très populaire aux États-Unis par sa vivacité, elle commença à se développer en Europe au début des années 80, où transversalement la culture punk battait son plein. Planet Rock par Afrika Bambaataa devint un hit planétaire, les graffeurs New-Yorkais furent invités à exposer leur travail dans les galeries d'art européennes, et les Breakdancers du Rock Steady Crew débutèrent leur tournée. Le hip-hop et le graffiti étaient diffusés par les médias qui se firent l’écho de l’avènement d’une nouvelle culture populaire.

    Le graffiti apparaissait régulièrement dans les clips vidéos, musique et livres. Des films comme "Style Wars" par Tony Silver et Henry Chalfant et “Wild style” par Charlie Ahearn décrivent et promotionnent le graffiti en le légitimant. De jeunes artistes graffiti comme Zephyr, Dondi White, Lee et Seen étaient considérés comme des rock stars par la scène montante européenne du hip-hop. Le livre d’Henry Chalfant et Martha Cooper intitulé "Subway Art" devenait rapidement la bible du graffiti pour les jeunes graffeurs et B-boys de Los Angeles à Amsterdam. Le second livre d'Henry Chalfant et James Prigoff sorti en 1987 et intitulé “Spraycan Art”, documentait le graffiti sur murs à travers le monde.

    Au milieu des années 80, la scène européenne du graffiti et du hip-hop était installée. Les artistes graffitis des deux continents se rencontraient régulièrement, échangeaient leurs blackbooks et les photos de leur travail sur trains et murs. La naissance du plus grand mouvement artistique de tous les temps était né, et encore aujourd’hui des milliers de jeunes peignent à travers le monde ; le graffiti s’étant même propagé jusqu’en Asie, Afrique et Amérique du Sud, évoluant ça et là, influencé par les cultures populaires locales.

  • Le spray, médium de prédilection À partir de 1973, le graffiti de rue finit par s’attaquer aux wagons de métro...
    MinOne at City Hall station, 1981, NYC © Henry Chalfant
    Le spray, médium de prédilection
    À partir de 1973, le graffiti de rue finit par s’attaquer aux wagons de métro et devint très rapidement une compétition. À ce moment, le graffiti était surtout composé de tags. Les graffeurs peignaient le maximum d’intérieurs de rames qu’ils pouvaient entre deux stations. Ils découvrirent très rapidement que le maximum de trains pouvait être peint plus tranquillement dans les dépôts la nuit, tout en réduisant les risques d’être poursuivis et attrapés.
    Le réseau métropolitain new-yorkais étant le plus grand réseau de transport public des États-Unis, il devint, à cette époque, un formidable réseau de communication et de diffusion des travaux graffiti pour la communauté des writers. Constitué de plus de 400 stations et parcouru par quelque 65 000 wagons, il apparut comme un immense territoire à conquérir. Les lignes favorites des jeunes à cette époque sont les numéros 2 et 5 qui traversaient tout New York, du Bronx à Brooklyn, en un circuit qui prenait près de quatre heures. Organisés en groupe, tel que le WAR (Writers Already Respected), les writers avaient leurs propres règles : ils se conseillaient et s’aidaient mutuellement ce qui permettait l’exécution de graffitis dans l’enceinte du métro avec un minimum de protection, par une surveillance collective. Les writers les plus initiés connaissaient le réseau du métro par cœur : ses accès interdits, ses hangars, ses dépôts, les interconnexions entres lignes, etc. Le concept et la méthode pour peindre les trains furent établis. Chaque ligne avait son king. Le king était le graffeur qui peignait le plus sur une ligne précise et exécutait les plus gros et beaux graffitis. Respecté par les autres graffeurs, ils l’aidaient régulièrement à peindre la nuit.
    En 1975, les fondations du mouvement avaient été mises en place. Une nouvelle école de graffeurs se préparait à la relève dans une ville ruinée et au milieu d’une crise financière. New York était lourdement endettée et un très mauvais entretien de son système ferroviaire permit au mouvement graffiti d’être représenté le plus densément à travers la ville de toute son histoire.
    Les graffeurs commencèrent à travailler l'épaisseur du trait et à rajouter de la couleur dans leurs lettrages. Les embouts d'autres produits aérosol permettaient une plus grande diffusion de la peinture et cela mena à la création du masterpiece. Il est difficile de dire qui fit le premier masterpiece , mais il est communément crédité à Super Kool 223 du Bronx et à Wap de Brooklyn. Les épais lettrages contribuèrent énormément à la visibilité de l’artiste. Les graffeurs décoraient l'intérieur des lettres ! Avec ce que l’on appelait "les designs". D'abord avec des ronds simples, plus tard avec des hachures, étoiles et damiers. Les "designs" ont été limités seulement par l'imagination de l’artiste. Beaucoup de différents styles pouvaient être aperçus sur les métros : personnages de bande dessinée et diverses illustrations étaient utilisés pour compléter les lettrages. Chaque style a son nom : le top-to-bottom, block letters, panel piece, whole car, leaning letters, throw-ups, etc. Pour exemple, le bubble style fut inventé par Phase II. Un style de lettrage plus complexe appelé le "wild style", était illisible par le grand public.
    Les artistes graffeurs prirent des risques à aller peindre la nuit dans les dépôts, entre le troisième rail électrifié et les poursuites par la police spéciale anti-graffiti. Cela n'arrêtait pas les graffeurs de s'exprimer et de mettre leur vie en jeu.
  • La MTA efface les graffitis Entre 1970 et 1985, la MTA (l'autorité de transit métropolitain de New York) dépensa entre...
    La peinture blanche "anti-graffiti" n'était pas aussi résistante aux graffitis que le MTA l'espérait.
    Le graffeur prolifique "Seen" a tagué le train en octobre 1982. Photo © Steve Zabel
    La MTA efface les graffitis
    Entre 1970 et 1985, la MTA (l'autorité de transit métropolitain de New York) dépensa entre 100 et 150 millions de dollars pour effacer infructueusement les graffitis de son réseau. Utilisant une solution chimique à base d’eau sous haute pression appelée le "buff", le prix du nettoyage pour un mètre carré était d’environ 750 dollars, et la rame entière 78 000 dollars. En 1978, l’artiste graffiti Blade perdit des centaines de ses whole cars en un rien de temps.
    Le "buff" ne réussit qu'à effacer en partie les œuvres sur les trains les plus anciens appelés "coffins" (construits au cours des années 50), et plus tard sur les "flat trains”, ce qui les rendit très sales. Les nouvelles rames entièrement repeintes ou "buffed" étaient de nouveaux défis à relever pour le crew des "Kings Arrive" fondée par Sharp et Delta, qui rapidement fut suivi par d’autres crews. 
    La vague de répression du graffiti ne fit que résoudre le problème majeur des graffeurs, c’est-à-dire le problème du manque d’espace vide de graffitis. Donc, au lieu d’enrayer le phénomène du graffiti, la MTA ne fit que le renforcer et lui rendre service, elle a investi d'énormes sommes d'argent dans les systèmes de sécurité entourant les dépôts, en y installant des clôtures de sécurité en fil barbelé de cinq mètres de haut. Après des années de guerre à l’encontre du mouvement, la MTA déclara publiquement en mai 1989 la victoire sur le graffiti.
  • Graffiti : du train au mur À la fin de l’ère du train à New York et pendant que le...
    © Tats Cru, 2016 
    Graffiti : du train au mur
    À la fin de l’ère du train à New York et pendant que le graffiti sur train continuait en Europe, les artistes graffiti new-yorkais furent obligés de changer de cible et se tournèrent vers la peinture murale. Le graffiti sur train peut toujours être observé a Copenhague comme à Barcelone et sur les trains allemands, italiens, russes, etc. et de nombreux magazines français et internationaux en témoignent.
    Beaucoup de villes organisent des événements hip-hop où les artistes graffiti sont invités à venir peindre des fresques sophistiquées sur les murs. Le crew New-Yorkais The Tats Cru (Nicer, Bio, Just 195, Nosm, etc.), les Mac (Juan, Kongo, Alex, etc.) et les GrimTeam (Chaze, Soda, Dize, Pro, etc.) de Paris sont devenus des peintres professionnels. Des rencontres graffiti entre la old shool new-yorkaise et des générations plus jeunes sont organisées pendant le festival Kosmopolite à Bagnolet chaque année. Un grand choix de vidéos montre les différents styles et tendances du graffiti art au grand public, des films comme "Writers" de Marc-Aurèle Vecchione au "Trumac", "Dirty Handz" ou encore "Wild War". 
  • Le post-graffiti L'intérêt des artistes à peindre sur toile débuta dès l'apparition du graffiti dans les rues de New York....
    Daze, Bill Blast, Dondi White & A One, 2015, Fondation Speerstra
    Le post-graffiti
    L'intérêt des artistes à peindre sur toile débuta dès l'apparition du graffiti dans les rues de New York. En effet, les artistes graffiti eurent envie de faire évoluer leur travail sur d’autres supports. Cela leur permettant une recherche esthétique plus personnelle en se détachant de plus en plus du graffiti de rue afin de se voir ouvrir les portes du marché de l’art.
    Dès lors, c’est en 1972 qu’Hugo Martinez, sociologue à l’université de New York, prit note du potentiel artistique et légitime de cette première génération d’artistes. Le UGA crew (United Graffiti Artists) et H. Martinez sélectionnèrent les artistes graffiti les plus en vogue du moment et organisèrent la toute première exposition graffiti à la Razor Gallery. UGA se vit fournir des opportunités qui étaient alors inaccessibles à ces artistes ; les artistes représentés étaient : Phase 2, Mico, Coco 144, Pistol, Flint707, Bama, Snake et Stitch1.
    Un article paru en 1973 dans un magazine new-yorkais écrit par Richard Goldstein intitulé "le Hit-parade du Graffiti" fut la première reconnaissance publique vis-à-vis des artistes graffiti. Au début des années 80 à NY, des galeries d'art comme Fashion Moda, la Fun Gallery de Patti Astor et plus tard la Gallery Sydney Janis ont commencé à montrer les travaux sur toile. Ces galeries se sont ultérieurement avérées être des facteurs importants dans le développement du mouvement graffiti en Europe. La Fun Gallery était tenue par Patty Astor, actrice de Hollywood, et était reconnue comme une des places artistiques branchées de la scène new-yorkaise. Elle y a exposé des artistes graffiti au même niveau que des artistes extrêmement connus comme Jean-Michel Basquiat ou Keith Harring. Les marchands d'art européens très réceptifs à cette nouvelle forme d'art se sont vite rendu compte du potentiel artistique. Et c’est en 1983 que Dolores Neumann organisa une exposition s’intitulant "Post Graffiti" à la galerie Sydney Janis, regroupant les œuvres de dix-huit artistes graffiti. Les œuvres de Dondi White, Lee, Zephyr, Lady Pink, Daze, Futura 2000, Crash, Rammellzee furent exposées. Aux Pays-Bas, les expositions au Musée Boymans-van Beuningen en 1983 et au Musée Groninger en 1992 furent couronnées de succès. Critiques d'art et collectionneurs prirent le mouvement très au sérieux. Les artistes sont aujourd'hui reconnus par les institutions, et de nombreux musées possèdent leurs œuvres dans leurs collections. Peintures et sculptures graffiti sont aujourd'hui vendues dans le monde entier à travers des ventes aux enchères et des galeries d'art.  
  • L'art urbain Le street art apparaît dans les années 70 à New York, en même temps que le graffiti. Il...
    "Chuuuttt" de Jef Aérosol & "Knowledge + Action = Power" de Shepard Fairey, 2019, Paris
    L'art urbain
    Le street art apparaît dans les années 70 à New York, en même temps que le graffiti. Il se manifeste par des interventions sur les bâtiments, les façades, ou encore les panneaux de signalisation des espaces publics, sous forme de pochoirs, de graffitis, de gravures, d'affiches ou encore de projections sur les bâtiments. Certains artistes conceptuels ont également été reliés à ce mouvement. Souvent, le street art reste à compléter par les passants, ce qui en fait un art interactif et accessible à tous. Le spectateur n'a qu'à le remarquer pour y être intégré. Cet art gratuit, éphémère et le plus souvent anonyme est une réaction au trop-plein d'images commerciales qui nous envahissent. L'art "illicite" ne s'achète pas mais manipule les images afin de tout envahir à la manière de la publicité.
    En plus de prôner une vision commune du monde, le street art espère également que ses petites actions peuvent faire changer les choses. En effet, cet art transgressif interroge sans arrêt, en remettant en question notamment les interdits et les tabous de notre société, mais aussi la notion d'appartenance. De plus, il relève souvent les aberrations et les paradoxes de notre société en plaçant des noms et des dessins dans des contextes qui leur sont parfois totalement opposés. Mais le street art répond aussi à des besoins plus basiques de l'homme, comme celui de communiquer ou encore de laisser une empreinte de son passage.
    Les artistes les plus connus de ce mouvement sont notamment : JR, Obey, Invader, Nunca, Vhils, M City, Blu, Swoon, D*Face, Faile, Zevs, Kaws, Miss-Tic, Bleck le Rat, Banksy, Twist, Os Gêmeos, Buff Monster, Gil Bensmana, Jérôme Mesnager, Mac, François Morel, Open Your Eyes, Paelle?, Tom Tom, VLP, Mosko et associés, Nemo, Scandal, L'Atlas, Blek, Honet, Ernest Pignon-Ernest, Jean Faucheur, G, Antonio Callego, etc.